En mars, une année de cataclysme sanitaire, de confinements ponctués de libertés restreintes, de vies ralenties et d'épreuves quotidiennes jamais véritablement éprouvées jusqu'ici venait de s'écouler. Un anniversaire peu réjouissant conjugué ici en France à une campagne gouvernementale de vaccination discutable dans ses rouages et son calendrier.
À la sidération collective, aux sentiments d'impuissance inédits et aux espoirs partagés d'un avenir meilleur - pour l'humain et tous les écosystèmes - répond aujourd'hui une certaine lassitude, y compris dans la réflexion que peut encore susciter cette pandémie sur les plans philosophique, écologique et socio-économique. Le "monde d'après" n'existe pas ou bien est-il devenu en 2021 un élément de langage déjà obsolète, tout comme la fameuse résilience muée en outil marketing pour les entrepreneurs surfant sur la vague du développement personnel low cost. Dans l'incertitude générale et le flou politique, les individus n'applaudissent plus aujourd'hui aux fenêtres à 20h, ne se raccrochant plus vraiment au groupe, au collectif, même ultra idéalisé. L'angoisse née du désarroi semble désormais faire intervenir des instincts plus autocentrés car chacun.e ne vit définitivement plus les choses de la même manière que son/sa voisin.e. En temps de crise, l'injustice est aveuglante, tout comme la perspective d'un été sans terrasse de café peut se révéler dévastatrice. Ce Covid à rallonge interroge toujours nos contradictions, nos besoins profonds et notre lien au monde mais sur un niveau plus narcissique et prosaïque qu'il y a un an. Le temps que l'on a pris à observer la nature reprendre partiellement ses droits dans les milieux urbains manque. La contemplation est constamment menacée par la résignation et l'urgence matérielle (je pense notamment aux dérives managériales du télétravail). Quel que soit son bagage psychique, l'être humain cherche à tirer des leçons, des apprentissages tangibles des situations les plus extrêmes qu'il traverse sans pour autant savoir où se positionner dans son propre cheminement interne. Voilà pourquoi un véritable lâcher-prise est nécessaire pour que le moi ne soit pas davantage fragilisé. Pour certain.e.s, cela prend les atours d'une petite révolution intime, mais il ne s'agit pas là de reconversion professionnelle hâtive ou de remise en forme compulsive dans les parcs restés ouverts. Travailler sur soi induit une ouverture d'esprit allant au-delà même du langage verbal, de l'image que l'on a justement de soi et des recherches de sublimation (se réfugier dans les émotions esthétiques ne suffit pas toujours hélas). Il exige également une acceptation, sans cynisme (qui trahit souvent les insécurités), de ne pas comprendre où l'on va. S'avouer incapable de se projeter pour le moment n'est en aucun cas un signe d'échec. Et se le dire, c'est déjà commencer à (re)construire quelque chose pour soi. (Photo : Île d'Arz, Bretagne © Astrid Karoual) |
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